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une plaisanterie, qui resta très-ignorée, put nous faire juger les sentimens secrets de Louis XVI. Il fit faire à la manufacture de Sèvres un vase de nuit, au fond duquel était placé le médaillon avec la légende si fort en vogue, et l’envoya en présent d’étrennes à la comtesse Diane. La reine s’expliquait plus ouvertement sur la part que la France prenait à l’indépendance des colonies américaines, et y fut constamment opposée. Elle était bien loin de prévoir qu’une révolution, aussi éloignée de la France, pût jamais en susciter une où un peuple égaré dût venir un jour l’arracher de son palais, pour la conduire à la plus injuste, comme à la plus cruelle mort. Elle trouvait seulement trop peu de générosité dans le moyen que la France avait choisi pour porter atteinte à la puissance anglaise.

Cependant, comme reine de France, elle jouissait de voir un peuple entier rendre hommage à la prudence, à la valeur, aux vertus d’un jeune Français, et partagea l’enthousiasme qu’inspiraient la conduite et les succès militaires du marquis de La Fayette. La reine lui accorda plusieurs audiences lors de son premier retour d’Amérique, et, jusque au 10 août, jour où ma maison fut pillée, j’ai conservé, écrits de sa main, des vers de Gaston et Bayard, où les amis de M. de La Fayette trouvaient l’exacte peinture de son caractère :


Eh ! que fait sa jeunesse,
Lorsque de l’âge mûr je lui vois la sagesse ?