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reine aux seigneurs anglais ; on traitait ces attentions d’engouement. On était injuste ; et la reine se plaignait avec raison de cette ridicule jalousie.

Le voyage de Fontainebleau, et l’hiver à Paris et à la cour furent brillans. Le printemps ramena les plaisirs que la reine commençait à préférer à l’éclat des fêtes. L’union la plus intime régnait entre le roi et la reine, et je n’ai jamais vu s’élever, entre cet auguste couple, qu’un nuage promptement dissipé, et dont la cause m’est restée parfaitement inconnue.

Mon beau-père, dont je révérais l’esprit et l’expérience, m’avait recommandé, lorsqu’il me vit placée au service d’une jeune reine, d’éviter toute espèce de confidence. « Elles n’attirent, m’avait-il dit, qu’une faveur passagère et dangereuse : servez avec zèle, avec toute votre intelligence, et ne faites jamais qu’obéir. Loin d’employer votre adresse à savoir pourquoi un ordre, une commission, qui peuvent paraître importans, vous sont donnés, mettez-la à vous garantir d’en être instruite. » J’eus à employer cette sage et utile leçon. J’entrai un matin à Trianon, dans la chambre de la reine ; elle était couchée, avait des lettres sur son lit, pleurait abondamment ; ses larmes étaient entremêlées de sanglots interrompus par ces mots : Ah ! je voudrais mourir.Ah ! les méchans, les monstres !… Que leur ai-je fait ?… Je lui offris de l’eau de fleur d’orange, de l’éther… Laissez-moi, me dit-elle, si vous m’aimez : il vaudrait mieux