Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/299

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Il resta une demi-heure avec elle et la duchesse, et en sortant me dit que la reine me demandait. Je la trouvai assise sur son canapé, à côté de son amie ; ses traits étaient remis, son visage riant et gracieux. Elle me tendit la main et dit à la duchesse : « Je lui ai fait tant de peine ce matin, que je dois me hâter d’en alléger son pauvre cœur. » Puis elle ajouta : « Vous avez sûrement vu, dans les plus beaux jours d’été, un nuage noir qui vient tout-à-coup menacer de fondre sur la campagne et de la dévaster ; il est chassé bientôt par le plus léger vent, et laisse reparaître le ciel bleu, et le temps serein ; voilà précisément l’image de ce qui m’est arrivé dans la matinée. » Ensuite elle me dit « que le roi reviendrait de Compiègne après y avoir chassé ; qu’il souperait chez elle : qu’il fallait que je fisse demander son contrôleur pour choisir avec lui, sur ses menus de repas, tous les mets qui convenaient le plus au roi ; qu’elle voulait qu’il n’y en eût point d’autres de servis le soir sur sa table ; que c’était une attention qu’elle désirait que le roi pût remarquer. » La duchesse de Polignac me prit aussi la main, et me dit « combien elle était heureuse d’avoir été près de la reine, dans un moment où elle avait besoin d’une amie. » J’ignorai toujours ce qui avait pu donner à la reine une si vive et si courte alarme ; mais je jugeai, par l’attention particulière qu’elle avait prise au sujet du roi, qu’on avait cherché à l’irriter contre elle ; que