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attrapé en ne voyant qu’une pièce mal conçue et dénuée d’intérêt, depuis que toutes les satires en avaient été supprimées[1]. Monsieur, persuadé qu’il n’y avait pas un seul passage susceptible d’applications malicieuses ou dangereuses, se rendit à la première représentation en grande loge : tout le monde sait quel fut le fol enthousiasme du public pour cette pièce, et le juste mécontentement de Monsieur ; bientôt après la détention de l’auteur eut lieu, tandis que son ouvrage était porté aux nues, et que la cour n’aurait pas osé en suspendre les représentations[2].

  1. C’était aussi l’opinion de Louis XVI. « Le roi, dit Grimm, comptait que le public jugerait l’ouvrage sévèrement, et il demanda au marquis de Montesquiou, qui partait pour en voir la première représentation : Eh bien, qu’augurez-vous du succès ? — Sire, j’espère que la pièce tombera. — Et moi aussi, répondit le roi. »
    (Note de l’édit.)
  2. Il y a quelque chose de plus fou que ma pièce, disait Beaumarchais lui-même, c’est le succès. Mademoiselle Arnould l’avait prévu le premier jour en s’écriant : C’est un ouvrage à tomber cinquante fois de suite.

    À la soixante-douzième représentation, il y avait autant de monde qu’à la première. Une anecdote que rapporte Grimm vint ajouter encore à la curiosité du public. Voici ce qu’on lit dans sa Correspondance :

    « Réponse de M. de Beaumarchais à M. le duc de Villequier qui lui demandait sa petite loge pour des femmes qui voulaient voir Figaro sans être vues.

    » Je n’ai nulle considération, M. le duc, pour des femmes qui se permettent de voir un spectacle qu’elles jugent malhonnête,