Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

foires. Cette somme de trois cent mille livres n’était absolument que pour le jeu de la reine, ses actes de bienfaisance ou les présens qu’elle voulait faire. Sa toilette était payée à part, jusqu’à son rouge et à ses gants y étaient compris. La reine avait conservé toutes les anciennes pensionnaires de Marie Leckzinska, femme de Louis XV. Elle payait sur ses trois cent mille livres annuellement pour quatre-vingt mille livres de pensions ou aumônes, et faisait des économies sur le reste : chaque mois la première femme serrait deux ou trois cents louis qui n’avaient pas été dépensés, dans un coffre-fort placé dans le cabinet intérieur de la reine. Sur ces économies, la reine avait payé, pendant l’espace de plusieurs années, quatre cent mille francs pour une paire de girandoles à poires égales et à un seul diamant, qu’elle avait achetée du joaillier Bœhmer, en 1774. Elles ne furent entièrement payées qu’en 1780. Bœhmer ayant vu que la jeune reine avait pris ce temps pour acquitter, sur ses économies, un objet dont elle avait été tentée, et qu’elle ne voulut point faire payer par le Trésor public, aurait dû se refuser à l’idée que, huit ou dix ans après, elle ferait acheter, à l’insu du roi, une parure de quinze cent mille livres. Mais l’envie de se défaire d’un objet aussi cher que ce fameux collier dont l’histoire est si généralement et si mal connue, et l’espoir d’être payé de manière ou d’autre, le portèrent à croire à ce qu’il ne devait pas juger vraisemblable. La reine avait encore plus de cent dix