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marquis de Pons à Berlin ; des dépêches secrètes du roi de Prusse à ses agens secrets à Vienne et à Paris, agens auxquels seuls il confiait la vraie marche de sa politique, et dont la mission était entièrement ignorée de ses envoyés en titre. Ce même cabinet avait découvert la correspondance très-secrète de la politique privée de Louis XV, correspondance parfaitement ignorée de son conseil, et surtout de son ministre des affaires étrangères. Le comte de Broglie, qui avait succédé au feu prince de Conti, était le ministre privé, et surtout très-caché d’une diplomatie aussi extraordinaire. Il avait pour secrétaire M. Favier auquel ses ouvrages diplomatiques ont fait une réputation, et enfin M. Dumouriez, élève de Favier. Le mystère de cette politique n’était pas confié à tous nos ambassadeurs. Quelquefois c’était le secrétaire d’ambassade ou tout autre Français, qui, voyageant sous différens prétextes, était trouvé propre à jouer ce rôle. Le comte de Broglie ne confiait le fil de ce labyrinthe qu’à des personnes dont il avait éprouvé l’attachement et la discrétion. Une confiance si marquée et des rapports si intimes avec le roi qui gratifiait lui-même sur sa cassette ce travail mystérieux, ne pouvaient que flatter ceux qui s’en trouvaient honorés. Le comte de Broglie, ennemi de la maison de Rohan, s’était bien gardé d’initier le prince Louis de Rohan ou moi dans une semblable correspondance. Sa défiance était apparemment bien motivée, et je ne veux pas l’en blâmer. Au nombre des papiers qui me furent remis au rendez-vous nocturne, se trouvait la correspondance déchiffrée du comte de Broglie avec le comte de Vergennes, notre ambassadeur à Stockholm. Muni de ces pièces et des preuves indubitables qui m’en assuraient l’authenticité, je me rendis sans délai et avec la plus grande vitesse chez l’ambassadeur pour lui en rendre compte. J’étalai devant lui les échantillons du trésor politique où nous pouvions puiser. Le prince en sentit d’autant mieux le prix, pour lui personnellement, que cette grande découverte devait nécessai-