Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/38

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Une seconde maison s’était formée à Saint-Denis, sur le modèle de la maison d’Écouen. Peut-être madame Campan pouvait-elle espérer un titre auquel de longs travaux lui donnaient droit ; peut-être la surintendance des deux maisons n’eût-elle été qu’un juste prix de ses services : mais ses années de bonheur étaient écoulées ; son sort allait dépendre des plus importans événemens. Napoléon avait élevé si haut sa puissance, que lui seul en Europe pouvait la renverser : le conquérant semblait se plaire, en lui, à détruire l’œuvre de l’homme d’État. Satisfaite de trente ans de victoires, en vain la France demandait du repos et regrettait la liberté. L’armée qui avait triomphé dans les sables de l’Égypte, sur le sommet des Alpes, dans les marais de la Hollande, va périr victorieuse, au milieu des neiges de la Russie. Les rois et les peuples se liguent contre un seul homme. Le territoire est envahi. Des fenêtres du château qui leur servait d’asile, les orphelines d’Écouen voient au loin dans la plaine les feux des bivouacs russes, et pleurent une seconde fois la mort de leurs pères. Paris capitule. La France salue le retour des petits-fils d’Henri IV ; ils remontent au trône occupé si long-temps par leurs ancêtres, et que la sagesse d’un prince éclairé raffermit sur l’empire des lois.

Ce moment, où la joie éclatait parmi les serviteurs fidèles de la famille royale, où des récompenses étaient accordées à leur dévouement, fut marqué pour madame Campan par des chagrins amers. La haine de ses ennemis s’était réveillée. La suppression de la maison d’Écouen lui avait enlevé sa place : les calomnies les plus absurdes la suivirent encore dans sa retraite : on soupçonnait son attachement pour la reine ; on l’accusait,