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matin. Il était à peine à la porte de l’antichambre du roi, que le maréchal de Richelieu vient à sa rencontre et le conjure de ne pas faire mourir le roi par une proposition théologique [1] qui faisait périr tant de malades. « Mais si vous êtes si curieux d’entendre des péchés jolis et mignons, disait-il au prélat, mettez-vous là, Monsieur l’archevêque, je me confesserai et vous en apprendrai de tels que vous n’en avez jamais entendu de pareils depuis que vous êtes archevêque de Paris. Que si vous voulez absolument confesser le roi, et renouveler ici les scènes de M. l’évêque de Soissons à Metz, si vous voulez congédier madame Du Barry avec éclat, réfléchissez sur les suites et sur vos propres intérêts. Vous opérez le triomphe du duc de Choiseul, votre cruel ennemi, dont madame Du Barry a tant contribué à vous délivrer, et vous persécutez votre amie au profit de votre ennemi. Oui, Monsieur, je vous le répète, votre amie ; et elle est si bien votre amie qu’elle m’a dit hier : Que M. l’archevêque nous laisse, il aura sa calotte de cardinal ; c’est moi qui m’en charge et qui en réponds. »

L’archevêque de Paris comprit facilement que l’affaire des sacremens souffrirait de grandes oppositions. Il se trouva avec madame Adélaïde dans la chambre du roi, avec le duc d’Aumont, l’évêque de Senlis et le maréchal de Richelieu, avec lesquels l’archevêque résolut de ne point parler ce jour-là de confession. Cette circonspection satisfit tellement Louis XV, qu’à la sortie de l’archevêque il fit rappeler madame Du Barry dont il baisa encore les belles mains avec attendrissement.

Le 2 mai, le roi se trouva un peu mieux. Madame Du Barry

  1. La vérité de ces détails est confirmée par les Mémoires de Besenval, tome I.
    (Note des édit.)