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huitième onction sur la paume de la main droite, et la neuvième et dernière sur celle de la main gauche ; puis il mit un anneau au quatrième doigt de la main droite, comme signe représentatif de la toute-puissance et de l’union intime qui régnera désormais entre le roi et son peuple. L’archevêque prit alors sur l’autel le sceptre royal, et le mit dans la main droite du roi, et ensuite la main de justice qu’il lui mit dans la main gauche. Le sceptre est d’or émaillé, garni de perles orientales ; il peut avoir six pieds de haut. Charlemagne est représenté en relief, le globe en main, assis sur une chaire ornée de deux lions et de deux aigles. La main de justice est un bâton d’or massif, haut seulement d’un pied et demi, garni de rubis et de perles, et terminé par une main d’ivoire, ou plutôt de corne de licorne ; il y a de distance en distance trois cercles à feuillage tout brillans de perles, de grenats et d’autres pierres précieuses.

Voici cependant un moment où le clergé cesse de s’arroger le droit de conférer au roi la toute-puissance. M. le garde-des-sceaux de France, faisant les fonctions de chancelier, monta à l’autel, et s’étant placé du côté de l’Évangile, le visage tourné vers le chœur, il appela les pairs, pour le couronnement, de la manière suivante : « Monsieur, qui représentez le duc de Bourgogne, présentez-vous à cet acte, etc., etc. » Les pairs s’étant approchés du roi, l’archevêque de Reims prit sur l’autel la couronne de Charlemagne, apportée de Saint-Denis, et la posa sur la tête du roi. Aussitôt les pairs ecclésiastiques et laïcs y portèrent la main pour la soutenir : allégorie vraiment noble et expressive, mais qui serait bien plus juste, si des délégués du peuple soutenaient aussi cette couronne par le même esprit allégorique ; on emploie, dans l’une des oraisons récitées en cet instant, une expression orientale qui a beaucoup d’énergie : « Que le roi, dit-on, ait la force du rhinocéros, et qu’il chasse devant lui, comme un vent impétueux, les