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autorisé secrètement à faire des armemens de commerce pour les colonies anglaises. Elles durent, en partie, au crédit, à l’activité de cet agent, l’avantage inespéré de se procurer les approvisionnemens nécessaires pour leurs premières campagnes. Beaumarchais gagna des sommes immenses en leur vendant très-cher son zèle et ses services, et se moqua de l’accusation, vraie ou mal fondée, de leur avoir envoyé des armes de rebut, et les plus mauvais armemens en tout genre.

» M. Déane, fatigué des lenteurs et même des défaites de M. de Sartine, alors ministre de la marine, lui écrivit qu’il se décidât, sous deux fois vingt-quatre heures, à faire signer le traité de l’union de la France et de l’Amérique septentrionale ; qu’autrement il s’accommoderait avec l’Angleterre. Il prit ce parti brusque et irrégulier sans la participation de son collègue. À peine lui en eut-il fait confidence, que le docteur Franklin crut tout perdu. « Vous avez offensé la cour de France et ruiné l’Amérique ! s’écria le philosophe. — Tranquillisez-vous jusqu’à ce que nous ayons une réponse, répliqua le négociateur. — Une réponse ! nous allons être mis à la Bastille. — C’est ce qu’il faudra voir. »

« Au bout de quelques heures, le premier secrétaire de M. de Sartine paraît. « Vous êtes priés, Messieurs, de vous tenir prêts pour une entrevue à minuit ; on viendra vous chercher.

» — À minuit ! (s’écrie le docteur Franklin, dès que le secrétaire est parti), ma prédiction est vérifiée ; M. Déane, vous avez tout perdu. »

» On ne manqua pas de venir les prendre à l’heure indiquée. Les envoyés américains montent dans une voiture, et arrivent à une maison de campagne, à cinq lieues de Paris, où M. de Sartine voulut les recevoir pour mieux couvrir cette démarche d’un voile mystérieux. On les introduit auprès