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çant. Ces deux dames se jetèrent à genoux, et baisaient ses mains qu’elles mouillaient de leurs larmes. Elles n’eurent le temps de lui rien dire : elle lut sur leurs visages qu’elle n’avait plus de fils. À l’instant ses grands yeux, découverts jusqu’au blanc, s’égarèrent. Sa figure devint pâle, les traits altérés, les lèvres décolorées. La bouche ne proférait que des paroles entrecoupées, accompagnées de cris aigus. Les mouvemens étaient désordonnés, la raison suspendue. Chaque partie de son être souffrait. La respiration suffisait à peine aux efforts que faisait cette malheureuse mère pour exprimer sa douleur, et la porter au dehors. Cet état d’angoisse et de désespoir ne commença à se calmer que lorsque les larmes vinrent à couler. Je n’ai vu de ma vie rien de si triste et de si imposant : l’impression que j’éprouvai ne s’effacera jamais de ma mémoire. »

L’amitié, les plus tendres soins purent un moment calmer sa douleur, mais non l’affaiblir : son cœur avait trop souffert. Cette crise violente avait troublé son organisation tout entière. Une maladie cruelle, et qui exige une opération plus cruelle encore, ne tarda pas à se manifester. La présence de sa famille, un voyage qu’elle fit en Suisse, son séjour aux eaux de Bade, et surtout la vue, les entretiens pleins de douceur et de charme d’une personne dont elle était tendrement aimée, donnèrent quelques distractions à son esprit, mais n’apportèrent que de bien faibles adoucissemens à ses maux. Elle revint à Mantes, décidée à subir l’opération ; et dès-lors, loin d’éprouver un instant de faiblesse ou d’hésitation, elle pressait elle-même le moment qui devait lui rendre, disait-elle, l’espoir et la santé. À la