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leur échappe : la poussière des vieux parchemins les aveugle[1]. »

La veille de sa mort : « Mon ami, disait-elle à son médecin, je me jette entre les bras de la Providence : c’est le seul point d’appui invisible qui nous soutienne. L’idée en est consolante. J’aime beaucoup la simplicité de ma religion, je la révère : je hais tout ce qui sent le fanatisme[2]. »

Quand on lui présenta son codicile à signer, sa main tremblait : « Ce serait dommage, dit-elle en souriant, de rester en si beau chemin. »

Le jour de sa mort, on ouvrit sa fenêtre. Le ciel était pur, l’air vif et frais. « Voilà, dit-elle, l’air et le climat de la Suisse. J’y ai passé deux mois d’un bonheur sans mélange… Son ame est si belle, et nos cœurs s’entendaient si bien ! »

Chaque instant l’approchait de sa fin. Son esprit n’avait rien perdu de ses forces. « Malgré mon état, disait-elle, j’ai besoin d’exprimer mes pensées. » Je m’étais un peu éloigné de son lit, ajoute son médecin, dont nous avons cité les paroles. Elle m’appela d’un son de voix plus élevé que de coutume. J’accourus : se reprochant alors cette espèce de vivacité : « Comme on est impérieux, dit-elle, quand on n’a plus le temps d’être poli. » Un moment après elle n’était plus !

Ses amis la virent expirer le 16 mars 1822. La gaieté

  1. Relation de M. Maignes.
  2. Relation de M. Maignes. Avant de subir une opération presque toujours funeste, madame Campan avait scrupuleusement rempli ses devoirs religieux.