Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/5

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France, de cette cour dont elle reçoit les hommages, de ces jardins qui plaisent à la simplicité de ses goûts, l’imagination reste frappée du sort qui l’attend : des salons de Versailles, ou des bosquets de Trianon, l’on croit apercevoir déjà les tours du Temple. S’il était possible qu’une inflexible sévérité conçût l’idée des plus légers reproches, ils viendraient presque aussitôt expirer sur les lèvres, au milieu des regrets et des accens de la douleur.

L’ouvrage de madame Campan ne laissera point d’autre impression. Elle avait de nombreux ennemis. À la cour, où l’envie suit de près la faveur, son sort avait fait des jaloux ; on la punit, à l’époque de la révolution, des bontés dont la reine l’avait honorée. Ceux qui ne sentirent point, comme elle, la pointe de l’épée sur leur poitrine, à la journée du 10 août, lui reprochèrent d’avoir manqué de courage ; ceux qui, comme elle, n’allèrent point se jeter aux pieds de Pétion, pour partager la dangereuse captivité de Marie-Antoinette, ont soupçonné sa fidélité. Après avoir calomnié sa conduite, on dénonçait d’avance l’esprit de ses Mémoires : je jouis, en les publiant, de la confusion qu’éprouvera la méchanceté déçue. Madame Campan n’a point voulu lui ménager un triomphe : un fragment de ses manuscrits contient ce passage :


« Je dirai ce que j’ai vu. Je ferai connaître le caractère de Marie-Antoinette, ses habitudes privées, l’emploi de son temps, son amour maternel, sa constance en amitié, sa dignité dans le malheur. J’ouvrirai en quelque sorte la porte de ses cabinets intérieurs, où j’ai passé tant de momens près d’elle, dans les plus belles comme dans les plus tristes années de sa vie. »