Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/50

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qui l’entoure, madame Campan avait loué une petite maison, où elle aimait à passer quelques heures, solitaire et recueillie. Là, libre de s’abandonner à ses souvenirs, la surintendante de la maison impériale redevenait pour un moment la première femme de chambre de Marie-Antoinette. Elle montrait avec émotion, au petit nombre de ceux qu’elle admettait dans cette retraite, une robe de simple mousseline qu’avait portée la reine, et qui provenait des présens faits par Tippo-Saëb. Une tasse dans laquelle Marie-Antoinette avait bu, une écritoire dont elle s’était servie long-temps, étaient d’un prix inestimable à ses yeux ; et souvent on la surprenait assise et baignée de larmes, devant le tableau qui lui retraçait son image.

« Pardonne, ombre auguste, reine infortunée, pardonne, dit-elle dans un fragment que je conserve écrit de sa main : j’ai ton portrait près de moi au moment où j’écris ces paroles. Mon imagination attendrie y reporte à chaque instant mes regards ; je cherche à ranimer tes traits ; je voudrais y lire si je sers ta mémoire en traçant cet ouvrage. Cette tête si noble tombée sous le fer cruel des bourreaux, je ne puis la considérer sans que les pleurs, en remplissant mes yeux, suspendent mon entreprise. Oui, je dirai la vérité, sans que ton ombre puisse en souffrir : la vérité doit servir celle que le mensonge avait si cruellement outragée ! »

Qu’ajouterais-je à ces éloquentes paroles ? Madame Campan n’est plus : que ceux qui ont calomnié sa vie insultent encore à sa mémoire, ses écrits la défendront mieux que moi.

F. Barrière.