Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/103

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Vivement affligée de voir le monde convaincu que la reine disposait indistinctement de tous les emplois, et ayant eu connaissance de gens évincés de postes auxquels ils avaient des droits légitimes, sous prétexte de demandes formées par la reine, je leur conseillai d’écrire à Sa Majesté pour la supplier de leur faire savoir si elle avait demandé les places auxquelles ils avaient de justes prétentions. La reine fut très-satisfaite de la confiance que ces particuliers lui avaient témoignée, et leur fit répondre d’une manière ostensible « qu’elle n’avait fait aucune demande pour les postes qu’ils sollicitaient, et qu’elle les autorisait à faire usage de sa lettre. » Ces personnes obtinrent les places qu’elles sollicitaient.


On voyait souvent dans les jardins et dans les appartemens de Versailles un ancien capitaine aux grenadiers de France, qui s’appelait le chevalier d’Orville, et qui sollicitait depuis quatre ans, auprès du ministre de la guerre, une place de major ou de lieutenant de roi. On le savait très-pauvre ; mais il supportait son sort sans jamais se plaindre de l’affligeante lenteur qu’on mettait à récompenser ses honorables services. Il venait régulièrement chez le maréchal de Ségur, à l’heure fixée par le ministre pour recevoir les nombreux solliciteurs de son département. Un jour le maréchal lui dit :