Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/112

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y rester jusqu’au moment où la nouvelle constitution sera achevée : voilà le tableau qui peut seul porter quelque soulagement dans nos cœurs.

Depuis que la reine est à Paris, sa cour est nombreuse ; elle dîne trois fois par semaine en public avec le roi ; son jeu a lieu ces jours-là. Quoique les pièces soient petites, tout Paris y abonde ; elle parle aux commandans des districts, elle trouve des occasions naturelles de dire des choses obligeantes même aux simples fusiliers, parmi lesquels se trouvent les citoyens de la première classe comme les derniers des artisans : douceur, résignation, courage, grâces, popularité, tout est mis en usage, et sans affectation, pour réunir les esprits et concourir au rétablissement de l’ordre. Tout le monde rend la justice qui est due à des soins si touchans, et c’est un dédommagement pour les peines cruelles que l’on a endurées, pour les risques horribles que l’on a courus. En général, rien n’est plus sage ni plus suivi que la conduite du roi et de la reine ; aussi augmente-t-elle tous les jours le nombre de leurs partisans. L’on en parle avec enthousiasme dans presque toutes les sociétés. J’ai beaucoup perdu du côté du bonheur, des jouissances de la vie, des espérances ; mais je suis extrêmement flattée d’être attachée à une princesse qui, dans des momens d’adversité, a développé un caractère aussi généreux et aussi grand : c’est un ange de douceur, de bonté ; c’est une femme forte quant au courage. J’espère que les nuages amassés autour d’elle par