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qu’il allait souvent visiter à la grille. Cette jeune personne était d’une famille très-ancienne, et en portait le nom. Mais des malheurs, dus aux troubles de la religion dans les temps où la France y fut livrée, avaient fait regarder comme illégale l’union de son père, qui était catholique, avec une demoiselle d’une famille protestante, parce que ce mariage n’avait pas été fait dans les deux églises.

Jeanne-Louise de Béarn, votre aïeule, fut une femme remplie d’esprit et de qualités distinguées. Elle vécut parfaitement avec son mari, eut plusieurs enfans dont elle ne conserva que deux fils : l’aîné était mon père, dont vous m’entendez chaque jour parler avec un amour et une vénération qui ne s’effaceront qu’à la fin de mon existence. Mon père, qui était l’aîné, fut, dès sa plus tendre enfance, un être fort surprenant. À quatre ans juste, il porta lui-même à la poste une lettre entièrement écrite de sa main. Ces dispositions précoces furent suivies des succès les plus brillans dans ses études. Élevé au collége de Navarre à Paris, puis aux Jésuites, il enlevait à quinze ans tous les prix de l’Université. Quand ses études furent terminées, il se livra avec passion à la connaissance parfaite de l’ancienne et moderne littérature et des langues vivantes. Il avait fait ses études avec une partie des membres distingués de l’Académie : leurs goûts les rapprochèrent, et ils lui restèrent fidèlement attachés jusqu’à sa mort.

Il fut impossible à mon père de rester dans la