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maison paternelle : il n’y trouvait de douceurs que dans les momens qu’il pouvait passer auprès d’une mère tendre et éclairée, qui l’adorait et appréciait tout son mérite. Pour mon grand-père, il avait puisé, pendant les vingt années qu’il avait passées en Espagne, une foule de préjugés qu’il liait aux principes purs et simples de sa religion. Non-seulement il fallait assister tous les jours à la messe, se confesser deux fois par mois, communier tous les mois, ne pas manquer une seule fois la grand’messe, les vêpres, suivre exactement les processions ; mais, à la maison, il exigeait encore que le chapelet et même le rosaire fussent dits en sortant de table. Mon père, qui savait qu’un Horace, un Virgile, ou un Anacréon, l’attendaient dans sa chambre, grognait ou murmurait en marmottant son rosaire dans le salon, et ne pouvait supporter un pareil sacrifice. Son père se fâchait, s’emportait contre lui, et, l’esprit noirci par toutes les causes qui se plaidaient au palais, et dont par sa charge il ne manquait pas une seule, voyait dans la plus légère opposition à ses volontés un fils rebelle, un dissipateur. C’est dans cette sévérité excessive et dont mon père a eu tant à souffrir, qu’il a, dès sa jeunesse, puisé le désir de vivre avec ses enfans, s’il était jamais père de famille, d’une manière absolument opposée ; et fidèle à sa parole, nous n’avons eu en lui qu’un chef, un guide, un tendre ami et le meilleur des pères.

La manière triste et sévère avec laquelle votre