Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/183

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Zoé, tu peux avoir de véritables jouissances à Écouen ; je connais des dames qui ont parcouru ce bel établissement et qui en sont charmées. Tout y est simple et grand ; tout y donne l’idée de la bienveillance paternelle du souverain. On dit aussi qu’il y a une réunion de dames très–instruites et très-indulgentes. Tu me demandes ce que ta petite sœur peut faire pour ton bonheur ? Beaucoup assurément, au moins dans ma façon de voir, que je voudrais te faire partager. D’après le règlement de cette maison, chaque grande élève doit prendre soin d’une plus jeune : tu n’auras pas à soigner une étrangère, tu remplaceras ta mère auprès de sa jolie petite Victorine. Le matin, après l’avoir peignée, habillée, tu lui donneras quelques avis sur l’emploi de sa journée ; le soir tu lui feras dire si l’on a été satisfait de sa conduite dans les classes ; tu doubleras ainsi pour l’avenir la tendresse qu’elle te doit, et elle joindra aux sentimens d’une sœur cadette, ceux d’une fille soumise et reconnaissante. Peux-tu méconnaître de pareilles jouissances ?

Je termine ma lettre, je crains de moraliser beaucoup trop et de finir par t’ennuyer. Écris-moi avant de partir, écris-moi de Paris, écris-moi encore d’Écouen. Tes lettres, telles qu’elles sont, me font un grand plaisir ; et, lorsque je les verrai telles qu’elles devraient être, je jouirai véritablement : car on a beaucoup d’amour-propre pour ses amis.