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LETTRE XIX.

Zoé à Élisa.

Écouen, ce 15 juin 1808.

Ma chère Élisa, quel malheur nous a menacés ! Ma mère, mes frères, ma chère Victorine, que devenions-nous sans notre père, sans ce protecteur chéri d’une famille si nombreuse et encore si jeune ? Ah ! dis à ton frère que si quelque chose pouvait augmenter ma joie, ce serait de lui devoir le salut de mon père.

Quand je reçus cette nouvelle, à la fois si triste et si heureuse, mon premier désir fut d’embrasser Victorine. J’en demandai la permission à la dame de garde dans notre classe : elle se leva avec empressement, et, tout attendrie, me conduisit à la classe verte. Je pris ma sœur dans mes bras, je lui contai le danger qu’avait couru notre père : elle fondit en pleurs, et ses larmes, mêlées aux miennes, me semblaient celles de toute ma famille.

Je souhaitai d’aller à la chapelle remercier Dieu d’avoir conservé mon père ; on m’en ouvrit les portes. Pendant le court trajet que nous avions à faire, Victorine, toute hors d’elle-même, m’embrassait, se pendait à mon cou, en disant avec