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qui j’avais écrit tous les jours par Guimard. Le lendemain, le roi me fit dire d’entrer ; il ne me dit pas une parole sur ce que j’avais fait, mais me remit une tabatière fort grande où étaient deux rouleaux de vingt-cinq louis chacun. Je fis ma révérence et je m’en allai. Madame me fit beaucoup de questions sur la demoiselle, et riait beaucoup de ses naïvetés et de tout ce qu’elle m’avait dit du seigneur polonais. « Il est dégoûté de la princesse, et je crois qu’il partira dans deux jours pour toujours pour sa Pologne. — Et la demoiselle ? lui dis-je. — On la mariera en province avec une dot de quarante mille écus au plus et quelques diamans. » Cette petite aventure, qui me mettait dans la confidence du roi, loin de me procurer plus de marques de bonté de sa part, sembla le refroidir pour moi, parce qu’il était honteux que je fusse instruite de ses amours obscures. Il était aussi embarrassé des services que lui rendait Madame. »

(Journal de madame du Hausset.)

« Parmi les demoiselles d’un âge tendre, dont le roi s’est amusé après ou pendant la faveur de madame de Pompadour, on distingue aussi mademoiselle Tiercelin, à qui le prince ordonna de prendre le nom de madame de Bonneval, le jour même qu’elle lui fut présentée. Le roi avait aperçu le premier cette enfant, qui n’avait encore que neuf ans, gardée par sa bonne dans le jardin des Tuileries, un jour qu’il était venu en cérémonie dans sa bonne ville de Paris ; et le soir ayant parlé à Le Bel de la beauté de cette enfant, le serviteur s’adressa à M. de Sartine, pour découvrir ce qu’était devenu un joli petit minois de neuf ans, beau comme l’amour, et gardé par sa bonne dans le jardin des Tuileries, le jour que le roi était venu à Paris. Ce M. de Sartine est un personnage très-habile dans son métier ; il mit tant de monde en campagne, que, de bonne en bonne, on parvint à retrouver celle qui avait plu au roi : la figure angélique de cette enfant le fit découvrir, et quelques louis suffirent pour l’acheter de la bonne. C’est la fille de