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Note (I), page 60.

« En 1750 madame de Pompadour fut à l’Opéra, et put s’apercevoir de l’opinion que le public avait déjà conçue de sa personne.

» Vis-à-vis d’elle était son mari, M. Le Normand d’Étioles, et pourrait-on s’imaginer qui réunit les suffrages, ou de la favorite du roi ou du..... ? Ce ne fut pas celle qui voit à ses genoux les grands, les prélats, les ambassadeurs, les généraux et cette suite de ministres qu’elle élève ou qu’elle humilie ; ce fut le bonhomme d’Étioles qui fut l’objet des transports. Ah ! le pauvre cher homme, comme il a été décontenancé ! Je l’ai beaucoup étudié, beaucoup lorgné dans cette circonstance ; il a pâli, il a rougi et rembruni d’une réception à laquelle il n’avait pas droit de s’attendre.

» Comme la marquise était de mon côté à sa loge, et comme personne n’a avoué sa mine, et ne s’est avancé pour la fixer, j’ai interrogé plusieurs personnes des loges opposées qui ont pu l’observer.

» Madame de Pompadour a eu un front d’airain : tout ce que l’on a cru observer, c’est qu’elle s’est mordu la lèvre supérieure et fort long-temps. Elle a soutenu l’insulte comme elle aurait soutenu une belle harangue ou bien une longue flatterie.

» Depuis cet événement, madame la marquise n’a pas manqué de faire dire à son mari qu’elle se trouverait à telle pièce, à tel concert, à tel lieu ; c’est l’ordre tacite et convenu de ne pas s’y trouver lui-même, pour éviter des inconvéniens de cette nature. Le bonhomme d’Étioles s’y soumet à cause de Louis XV : cependant quand il exige que sa femme emploie sa faveur dans une affaire, ce qui est extraordinairement rare et toujours d’une indispensable justice, ou quand il veut l’empêcher de faire une opération qui n’est pas dans l’ordre, relativement aux intérêts de la famille, il dit à l’abbé Bayle