Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/343

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audaces d’un autre caractère ; mais comme je prends des mesures pour que ces anecdotes soient publiées quand il en sera temps, il est fort inutile pour le public d’entrer dans ces détails ; ils ne pourraient être utiles qu’aux Bonneau du roi.

» Quant aux affections de l’ame de la marquise, on sait que le présent l’occupe uniquement ; l’avenir l’intéresse quelquefois très passionnément ; mais comme elle ne croit pas à la vie future, elle se soucie fort peu de ce qu’on dira et de ce qu’on écrira après sa mort. Elle a un adage sans cesse à la bouche, c’est celui-ci : Après nous le déluge.

» Occupée du présent, affamée d’éloges, d’hommages, de respects vrais ou simulés, de soumissions naturelles ou forcées, elle se présente en conversation dans un salon de compagnie, ou en se plaçant à table, ou en arrivant dans un cercle, avec un ton imposant d’une femme exigeante qui semble vous dire en arrivant : Me voici, c’est moi. Voilà le portrait que j’en ai fait il y a douze ans.


» Voici celui que je fis en 1758, lorsqu’on lui donnait 37 ou 38 ans.


» Quelle décrépitude ! quelle dégénération dans les formes ! quelle saleté dans son visage ! Elle se plaît à s’ensevelir habituellement sous une couche de blanc et de rouge ; sa vivacité n’est plus qu’une grimace, une espèce de rire sardonique ; et sa langueur primitive un abattement. Elle s’imagine, comme les dames de la cour, qu’avec une couche étincelante de rouge elle dénaturera les formes sillonnées de son visage ; elle a encore de grands et beaux yeux, mais quels regards partent de ces deux voûtes ! comme elle réunit tout ce qui est nécessaire pour paraître une méchante femme ! L’extrême maigreur de madame de Pompadour, son teint plombé, gras, luisant et livide, furent des avis qu’elle reçut de la nature que la machine se décomposait. Elle fut dès-lors bien plus méchante, bien plus inquiète dans la société, et plus difficile dans le service et les hommages qu’elle recevait. Elle ne