Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se présenta à son audience. « Tenez, père, lui dit-elle, voici une chasuble que je destine à la première de vos maisons qui sera rétablie. — Cela étant, Madame, répond le jésuite, Votre Majesté pourrait se contenter d’en faire un point par jour. — J’espère mieux que vous, poursuit la reine ; je verrai ce que je désire, je dirai mon Nunc dimittis, et je mourrai de joie… »

» Après la gloire de Dieu, ce qui touchait le plus la reine de France, c’était le bonheur des peuples. Toutes ses vues se portaient à leur faire du bien, et toute sa conduite tendait à leur soulagement : les exemples du roi son père parlaient sans cesse à son cœur. Elle le disait quelquefois : « Qu’elle eût voulu pouvoir reproduire en France tous les monumens de charité dont il couvrait la Lorraine. » Protectrice généreuse de tous ceux qui étaient dans le besoin, elle les accueillait avec bonté : son crédit et ses richesses étaient leur patrimoine. Jamais elle ne détourna ses regards de dessus les malheureux qui s’attachaient en foule à ses pas. S’ils se présentaient sur son passage, elle les écoutait ; s’ils lui remettaient des mémoires et des placets, elle les recevait, les faisait examiner et les examinait elle-même. C’était toujours elle qui, la première à la cour, entendait ces cris de l’indigence et du malheur, qui s’élèveraient en vain du fond des provinces, s’ils n’étaient portés par la bienveillance jusqu’à l’oreille des rois… »

« Quoique dans l’âge encore qui rend plus excusables les dépenses de fantaisie, d’un sexe auquel on les pardonne assez volontiers, et surtout d’un rang où les profusions passent pour des bienséances, la reine, modérée dans tous ses goûts, ne paraissait occupée que des besoins du pauvre peuple. « Il vaut mieux, disait-elle un jour, écouter ceux qui nous crient de loin : Soulagez notre misère, que ceux qui nous disent à l’oreille : Augmentez notre fortune. » Elle eut le courage, et c’en est un d’un grand mérite pour une reine, de supporter quelquefois le sérieux de certains visages mécontens, et d’entendre dire autour d’elle qu’elle était peu généreuse. Mais ce reproche de