Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/360

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» La cour a pour elle les Suisses, une partie des sections et de la garde nationale ; mais la fortune se déclare pour les jacobins ; et l’Assemblée tout entière passe en un instant sous le joug de dix ou douze factieux, tels que Brissot, Chabot, Bazire, Condorcet, La Source et quelques autres. Le trône et ses soutiens sont abattus ; ce qui échappe le 10 août, tombe le 2 septembre sous le fer des assassins. Le ministère jacobin est rétabli, la république proclamée.

» La république ! ah ! disons mieux : la révolution du 10 août est l’inverse de celle du 14 juillet. Ici on s’élançait vers la liberté, là on recule vers l’esclavage. Le 10 août ne peut plus que décider si le peuple sera le jouet des rois et des factions. Tel est l’effet des fautes et de l’aveuglement des nobles de la minorité et des constitutionnels, ces premiers chefs de la révolution, que la France a été conduite par eux à cette extrémité funeste de n’avoir plus en perspective que le choix d’un tyran. Si le peuple est vaincu le 10 août, il retombe sous le pouvoir arbitraire d’un seul qu’il avait renversé le 14 juillet. S’il est vainqueur, il tombe sous la plus terrible des tyrannies, sous celle de ses propres excès, ou plutôt celle de la faction qui sera la plus habile à se servir de ces excès pour dominer ; car la force populaire n’est qu’un levier que se dispute chaque faction. »


À ces considérations extraites de la Philosophie de la politique, par d’Escherny, je joindrai différens morceaux extraits de Soulavie sur les partis qui divisaient la France.


« Le ministère jacobin ne voulant ni se dépopulariser, ni partager avec Louis les dangers des plaintes, outrait les expressions de son patriotisme. Dumouriez parut touché des alarmes du roi. Roland et Clavières continuèrent à se comporter avec lui, le premier en homme inflexible, et le second en fourbe. Servan, mal connu de Louis, voulait conserver la constitution.

» Le roi résolut enfin de les renvoyer. Pour y réussir, il adhéra, dans ses transes, aux moyens d’exécution que lui offrit