Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/363

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guisés (disait Robespierre aux jacobins) : qu’on lise à cette jeunesse ardente et guerrière le chapitre de Brutus. Je suis persuadé que nous avons autant de Brutus en France que de fédérés ; et ils comprendront ce qu’il y a à faire dans cette circonstance. »

» Le foyer principal de la révolution était aux Cordeliers… De là le signal partit inopinément dans les sections où le peuple s’assembla le 9 août à onze heures du soir. Le Gendre présidait celle du Luxembourg. Quelques minutes avant minuit, sa femme, alarmée de ses propos de la veille, venait l’engager de se retirer. « Quelle heure est-il donc, mon ami, lui dit-elle, pour que tu restes si long-temps à l’Assemblée ? — L’heure qu’il est ? répliqua Le Gendre en sortant sa montre ; c’est l’heure des révolutions et celle de te retirer. » Il se lève soudain, et donne le signal de l’insurrection. Veut-on connaître l’esprit de la section des Cordeliers ? Voici les personnages qu’elle députa à la commune : réservant pour les grandes occasions Danton et Le Gendre, elle envoya Robert, Simon, depuis gardien de Louis XVI, et Billaud de Varennes. Le lendemain elle députa Fabre d’Églantine, et deux jours après Chaumette et Lebois, avec le pouvoir illimité de prendre toutes les mesures nécessaires exigées par les circonstances. Le principe moteur de tous ces mouvemens était si étranger aux girondins, que Brissot, voyant les pleins-pouvoirs et les instructions unanimes des sections, osa s’en moquer. « Vous allez voir, dit-il, que leurs pleins-pouvoirs iront jusqu’à nous faire pendre. » Il le dit et il le fit imprimer dans son journal.

» La cour était dans la plus étrange sollicitude. Le roi montrait de l’embarras. La reine, au contraire, se croyait arrivée au grand jour du dénoûment et de la victoire. Le roi paraissait disposer des Suisses du château, de quelques gardes nationales fidèles, et des gentilshommes enfin qui accouraient pour le secourir. En comparant ces forces à cette poignée de révolutionnaires, de Brestois, de Provençaux qui menaçaient la cour, la victoire paraissait possible au parti du roi. Malheureusement