Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/89

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Sarah de Marly ; on disait qu’il était à remarquer qu’elle n’était connue dans le village que sous le nom de Marguerite ; qu’elle n’allait à Paris que deux fois par an ; qu’elle y allait seule ; qu’elle parlait rarement à ses voisines, à moins qu’elle n’eût à les remercier de petits services qu’elles lui avaient rendus ; qu’elle entendait régulièrement une basse messe le dimanche et les jours de fêtes, mais n’était pas dévote ; qu’on avait vu dans sa chaumière les œuvres de Racine, de Voltaire, de Jean-Jacques. Enfin, l’intérêt s’accroissait successivement sur cette solitaire, au point que Marie-Antoinette voulut connaître celle qui en était l’objet, et dirigea sa promenade du côté de sa retraite. La reine descendit de calèche avant d’arriver dans le village, et, tenant la duchesse de Cossé sous le bras, entra dans la chaumière. « Bonjour, Marguerite, lui dit la reine, votre chaumière est bien jolie. — Pas trop, Madame, mais je la tiens proprement. — Vos meubles sont fort bons. — Je les ai apportés de Paris lorsque je suis venue m’établir ici. — On dit que vous y allez fort peu ? — Je n’y ai rien à faire. — Vous avez une vache que vous ne soignez pas ? reprit la reine. — Par régime, je bois beaucoup de lait, et comme j’ai toujours vécu à la ville, je ne sais pas traire ma vache, et mes voisines me rendent ce service. — Vous avez des livres ? — Vous voyez, Madame. — Quoi, Voltaire ! dit la reine, en prenant un volume de cet auteur ; l’avez-