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nous voyons des milliers d’acres de riches prairies sans nul occupant. D’autres millions d’acres ont eu leurs occupants qui les ont si complètement épuisées que les riches fermes des anciens temps ne trouvent pas acheteur même au prix qu’ont coûté les bâtiments ; et par la raison que sous le système existant, la population continue tellement à diminuer qu’on a lieu de croire que le jour est tout proche où l’État sera abandonné aux renards et aux oiseaux de nuit[1].

Ce sont précisément des faits semblables que présentent à notre observation la Géorgie et l’Alabama, le Mississippi et la Louisiane[2]. La terre y est partout expirante, et tend de plus en plus à se consolider aux mains de grands propriétaires qui vont s’appauvrissant d’année en année. Tout cela, nous dit-on, est la conséquence du fait « que l’esclavage ne s’adapte pas aux opérations de l’agriculture savante » mais ici, comme d’ordinaire, l’économie politique moderne prend l’effet pour la cause ; — l’existence prolongée de l’esclavage étant un résultat de l’absence de cette combinaison qui est nécessaire pour le progrès de l’agriculture. Les hommes gagnent en liberté à mesure qu’ils sont aptes à diversifier leurs emplois, à s’associer, à combiner, et ainsi à obtenir pouvoir sur la nature, — et la forcer à travailler pour leur service. À chaque pas dans cette direction, la terre va s’enrichissant et l’homme apparaît — au lieu de la bête brute qui auparavant grattait le sol. La liberté est venue en Angleterre en compagnie des manufactures ; et dans tout pays du monde les hommes sont devenus

    de nombre d’émigrants ! Et combien il y en a qui, après être partis, ne restent que peu d’années et alors reviennent pour ressaisir une partie de leur terre natale et mourir où ils sont nés Comme cela nous rappelle étrangement le pauvre marin naufragé qui, touchant le rivage au milieu de la tempête, s’y attache, mais est reporté en haute mer par la vague qui se retire ! Cependant luttant toujours, meurtri, déchiré, il saisit de nouveau le roc de ses mains saignantes et s’y cramponne comme à son unique et dernière espérance. Et cela n’a rien qui doive étonner. Peut-être c’était le lieu de son enfance, — l’habitation de ses pères depuis plusieurs générations, le sol sur lequel il a dépensé les épargnes et la nourriture, les énergies et les facultés d’une longue vie, — le miel du vivant et les cendres du mort. Stevenson. Discurse before the agricultural Society of Albemarle.

  1. Voir préced. p. 88.
      Le lecteur qui veut connaître la condition actuelle de l’agriculture dans les États esclaves de l’Atlantique, fera bien de consulter The Seabord Slave States, by F.-L. Olwsted. New-York, 1856.
  2. Voir précéd. p. 198.