Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/249

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choses produites. L’un vise à la distribution du peuple en trois classes, — agriculteurs, industriels, trafiquants ; l’autre n’en admet que deux ; et comme une conséquence de nécessité absolue, là où le trafic est souverain, la concurrence pour la vente du travail tend à croître, en même temps que sa rémunération diminue du même pas. Confort général, bonheur et prospérité viennent à la suite de l’un, tandis que la pauvreté et l’excès de population ne manquent jamais d’accompagner l’autre. Aux États-Unis, l’industrie manufacturière est, en règle générale, exclue de la classe des emplois ; il en résulte que chaque profession est encombrée d’hommes qui trouvent difficilement à gagner leur vie. Les fermiers abondent tellement qu’ils en sont réduits à fournir le monde de blé à un prix de plus en plus infime. Les planteurs de coton sont si nombreux qu’ils donnent une quantité constamment croissante de leur produit pour la même somme d’argent[1]. Il y a une telle foule de négociants que la plus grande partie vient à faire faillite. Les hommes de loi, les médecins, les hommes d’église, les professeurs sont en nombre tel qu’à l’exception de quelques-uns, ils ne font au plus que vivre. Regardez n’importe où, la concurrence pour la vente du travail intellectuel est grande, tandis qu’on voit rarement

  1. Les effets épuisants de ce système vont attirant par degrés l’attention des hommes éclairés du Sud, comme le prouve le passage suivant du message du dernier gouverneur d’Alabama. « La recherche s’adresse toujours à l’esprit de recherche. Comment se fait-il qu’Alabama, avec son climat délicieux, sa salubrité, son sol fertile et varié susceptible de la plus universelle adaptation, son pouvoir hydraulique abondant et sans égal, ses collines et ses vallées, pour prairies et pâturages, ses acres sans nombre de houille, de fer, de marbre et d’autres minéraux, ne présente pas de preuves plus frappantes de prospérité et de richesse ? La réponse est facile. Cet État ne se sert pas de ses vastes ressources — et aussi une grande partie de sa population est inactive — la main-d’œuvre et les emplois du capital ne sont pas suffisamment diversifiés : il cultive le coton en abondance, avec un profit au-dessous du taux légal d’intérêt, tandis qu’il fournit au manufacturier d’Europe ou de New-England, en dehors du coût de transport de la matière première, un profit qui dépasse le sien d’au moins deux cents pour cent. Tout faible qu’est le revenu de cette source, c’est là-dessus que l’on pourvoit à tous les besoins de la famille, et pour l’ordinaire il ne reste au planteur que bien peu pour l’indemniser de ses soins et de ses soucis. Un tel état de choses tend naturellement à appauvrir le sol, à nous dégoûter d’amélioration et d’embellissement de notre demeure, à nous détourner de nos affections — à nous tenir sans cesse sur la piste pour un acheteur, ou en quête d’un pays où nous puissions faire vite fortune. Un peuple qui vit de la sorte ne peut jouir de cette part de contentement et de prospérité qui est dans le vouloir de la Providence et qu’on peut obtenir par l’effort. »