Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/255

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d’années. » Il en est de même aux États-Unis. Dans aucun pays civilisé les incendies ne sont aussi fréquents, dans aucun il ne se paye une somme aussi forte pour la perte causée ainsi. L’accroissement de cette proportion se manifeste par l’élévation soutenue des taux actuels d’assurances ; tandis que là où la civilisation avance ils devraient diminuer à mesure. La perte qui résulte ainsi de l’absence du pouvoir de développer les trésors minéraux de la terre, et de cette déperdition qui s’ensuit de propriété et de travail[1] est plus que la valeur totale des marchandises que l’Union reçoit de tous les points du globe ; et pourtant c’est en vue de nourrir le trafic que le pays poursuit une politique qui empêche qu’on ouvre des mines, qu’on exploite la houille et les métaux qui sont si abondants, et au moyen desquels on obtiendrait pour des constructions de tout genre des matériaux qui délieraient tout risque d’incendie.

Ce n’est point uniquement en ceci que les désastreux effets du système se font sentir. La nécessité de routes augmente avec la dispersion de population, tandis que les moyens de les faire diminuent avec déclin du pouvoir d’association. Cependant il faut que les routes se fassent ; et voilà comment le pays se couvre d’ouvrages de tout genre à demi-terminés, qui exigent des réparations incessantes, et coûtent parfois le triple de ce qu’ils eussent coûté dans le principe. Il en est de même pour les bateaux à vapeur des fleuves de l’ouest, toujours construits des matériaux les moins durables et les plus inflammables, par suite de la difficulté d’obtenir le fer. Et cependant la houille et le fer abondent, et à un degré inconnu dans tout autre pays du monde. Il y a déperdition de propriété et de vie, et partout s’engendrent des habitudes d’insouciance, des habitudes comme celles qui règnent dans les pays dont la population est soumise à la domination du trafiquant[2].

  1. Chaque usine incendiée met hors d’emploi des centaines d’individus et arrête la circulation du voisinage. Aujourd’hui la destruction d’usines est d’environ une par semaine, tandis qu’il ne s’en construit que peu, si même il s’en construit.
  2. L’insouciance qui se manifeste à peu près partout dans l’Union va au point d’étonner les hommes de l’Europe. Les accidents de chemin de fer se multiplient si fort qu’on les lit sans y donner un moment d’attention, et les pertes de vies augmentent d’année en année. On expose aux tempêtes des lacs, des bateaux à vapeur propres tout au plus à desservir des rivières. Des navires sur lesquels on refuserait d’assurer des marchandises sont employés à transporter de malheureux passagers ; — c’est le seul article que le patron du navire ne soit pas tenu sous sa responsabilité de livrer sain et sauf. « On construit des magasins et des maisons (nous citons