Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/26

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dans la diversité des denrées à la production desquelles la terre peut être consacrée, et l’agriculture perd graduellement son caractère aléatoire, en même temps que les facultés dé ceux qui cultivent la terre sont de plus en plus provoquées à l’action. L’individu voisin d’un marché non-seulement a, sur son exploitation rurale, croissant en même temps, une grande variété de produits à différents états et exposés à être affectés différemment par les accidents et les changements de la température, mais il recueille de la même terre plusieurs récoltes successives[1]. et augmente ainsi considérablement le revenu du travail. À chaque accroissement semblable, il apprend à attacher une plus haute valeur aux facultés productives de la nature dont il dispose en maître, et chaque année il les économise de plus en plus ; et c’est ainsi que l’économie des efforts humains conduit à ménager avec soin les forces de cette même nature[2].

  1. On tire de la terre, quatre et quelquefois cinq récoltes, dans le cours d’une année. Le fermier qui tient aux vieux usages, accoutumé aux entraves des baux passés suivant l’ancien mode, ouvrirait de grands yeux en entendant pareille assertion, et demanderait combien de temps les choses pourront durer ainsi. Mais plus grande serait encore sa surprise, si on lui disait qu’après chaque défrichement on pratique dans la terre de profondes tranchées et que l’on renouvelle sa puissance productive avec une charge d’engrais, par trente pieds carrés de terrain. C’est là le secret de magnifiques revenus, et il ne peut s’appliquer que dans le voisinage de villes telles que Londres où le produit de l’engrais fécondant est assez considérable pour en maintenir le prix à un taux peu élevé. Et c’est ici que nous avons un exemple frappant des échanges réciproques qui s’opèrent entre la ville et la campagne. On voit le même wagon qui, dans la matinée, apporte une énorme quantité de chaux, repartir quelques heures plus tard, rempli de fumier. (London Quarterly Review, octobre 1854, article Commissariat de Londres)
  2. Le soin et l’attention que montrent les jardiniers qui approvisionnent le marché est incroyable pour ceux qui n’en ont pas été témoins ; chaque pouce de terrain est mis à profit. La culture s’étend entre les arbres fruitiers. Des parties de choux et de choux-fleurs se développent en foule, grimpant jusqu’aux troncs mêmes des pommiers ; les framboises sont environnées et interceptées par de jeunes semences. Si vous apercevez une acre de céleri, soyez sûrs qu’en examinant de près, vous trouverez de longues bandes de petits pois le long des sillons. Là, tout fleurit, excepté les mauvaises herbes, et vous pouvez parcourir une pièce de terre de 150 acres, sans en découvrir une seule Les plus habiles cultivateurs s’attachent même plus à la qualité qu’à la quantité des produits ; et ils prennent soin de leurs végétaux comme ils le feraient de leurs enfants. Le visiteur verra souvent des têtes de choux-fleurs, couvrant une acre entière de terrain, enveloppées, une par une dans leurs propres feuilles, avec autant de soin qu’une femme attentive en mettrait à envelopper son époux asthmatique par une soirée de novembre ; et si la pluie vient à tomber, des serviteurs accourent pour couvrir ces légumes aussi promptement que l’on couvrirait les échantillons zoologiques au Palais de Cristal, lorsqu’on met en œuvre les arrosoirs. (Ibid, p. 154.)