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pendant, se gardèrent de prendre part à de tels établissements. Déposant leurs fonds pour sûre garde et recevant peu ou point d’intérêt pour l’usage, ils avaient au moins de la sécurité ; tandis que les actionnaires obtenaient de gros dividendes au coût d’une lourde responsabilité, — qui, généralement, se terminait par la ruine[1].

L’idée de limitation de responsabilité étant communément associée avec celle de monopole, par suite de la monopolisation du droit au négoce, a été attaquée par plusieurs économistes qui ont combattu fortement pour le système de responsabilité parfaite, illimitée. Quand nous voyons cependant des hommes animés du désir d’améliorer leur condition adopter fréquemment un certain mode d’opérer, nous pouvons tenir pour certain qu’il y a pour cela bonne raison, bien qu’elle ne soit pas saisissable au premier abord. L’un des premiers objets que les hommes ont en vue en s’associant, est celui de gouvernement ; désirant sécurité pour eux-mêmes, ils ont vouloir que les autres en jouissent ; aussi les voyons-nous adopter le principe de responsabilité limitée. Chacun s’engage à contribuer pour sa part, et pour sa part seulement, au payement des dépenses qui se rapportent au maintien de l’ordre. S’il en était autrement, —et que l’on pût prendre pour répondre de cet objet tout ce que possède un individu, — il n’y aurait nulle sécurité. Personne ne voudrait se transporter d’Europe aux États-Unis, s’il n’avait croyance que sa propriété sera taxée en proportion convenable pour le maintien du gouvernement, et s’il ne sentait la confiance que l’acquittement de cette quote proportionnelle l’exempte de toute responsabilité ultérieure.

Le même principe est partout introduit dans les associations pour assurance mutuelle contre les dangers de feu et d’eau, — preuve que cette limitation de responsabilité se produit naturellement dans la marche des opérations des hommes qui cherchent à améliorer leur condition[2]. C’est de cette manière que se sont formés quelques--

  1. La responsabilité illimitée est un des caractères de la barbarie. Sur une plantation, si quelques nègres ne peuvent faire leur tâche, les autres la doivent faire. Dans l’Inde, les gens qui veulent travailler et peuvent payer leurs taxes ont toujours été obligés d’acquitter des amendes encourues par ceux qui ne veulent ou ne peuvent ni l’un ni l’autre. Parmi les vexations de la taille la solidarité des gens, l’un pour l’autre, se fait le plus remarquer. À l’époque des dragonnades de Louis XIV, tout ce qui restait de protestants dut contribuer à payer les taxes dues par ceux qui avaient été chassés de leurs maisons et qui par là étaient ruinés.
  2. Les banques de grains de Norwége sont les institutions les plus primitives dont