Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à anéantir la faculté d’association et de combinaison partout en dehors de la Grande-Bretagne[1].

La tendance du mouvement de la France est l’inverse de ce que que nous venons de décrire. Toute considérable qu’est devenue sa production agricole et tout rapide qu’a été son accroissement, elle a trouvé un marché domestique pour le tout ; et les conséquences se manifestent dans le fait que les prix de son blé, de sa soie, de sa laine se sont non-seulement maintenus, mais élevés, — mettant ainsi le fermier largement à même d’augmenter sa consommation de coton et de sucre, et le relevant en même temps de la nécessité de presser sur le marché du monde avec son blé. L’effet général sur la condition de la population employée dans l’agriculture se trouve dans ce fait important que tandis que la production totale prend un tel accroissement, la quote part retenue par le travailleur va s’augmentant rapidement ; et tandis que les salaires s’élèvent, la terre acquiert journellement plus de valeur, au grand avantage de ses propriétaires[2].

  1. Il y a un demi-siècle, M. Southey, après avoir décrit l’état de choses dans Birmingham et Manchester, résultant de l’effort pour conquérir le monde, disait à ses concitoyens : « Le pauvre doit être tenu pauvre, ou un tel état de choses ne pourra continuer. Il faut des lois pour régler leurs salaires, non d’après la valeur de leur ouvrage, mais par le bon plaisir de leurs maîtres ; des lois pour les empêcher d’aller d’une place à l’autre dans le royaume, et pour prohiber l’émigration au dehors. Et il ajoute : « Ils ne voudront plus être entassés dans des ateliers où l’on étouffe dans le jour, ou parqués la nuit dans des caves humides ; ils ne voudront plus travailler à des métiers malsains de l’aube à la nuit, des journées entières, et des journées entières plus des quarts de journée, car la cupidité du trafic est insatiable : ils ne voudront pas suer nuit et jour, soutenant ce laus perennis du démon, devant des fourneaux qu’on ne laisse jamais refroidir, et respirant des vapeurs qui causent infailliblement les maladies et la mort ; — les pauvres ne feront jamais ces choses, à moins qu’ils ne soient misérablement pauvres, à moins qu’ils ne soient dans cet état de pauvreté abjecte, qui exclut l’instruction, et en détruisant toute espérance dans l’avenir, réduit l’homme à ne chercher, comme la brute, que l’apaisement de besoins présents. (Espriellas’s Letters, Letter XXXVIII.)
  2. Citation de Fontenay, du Revenu foncier, p. 100. « Ces chiffres acceptés, comparons les prix nominaux du blé avec les salaires. J’admets, si l’on veut, que le blé ait augmenté de valeur nominale à notre époque ; je ne veux plus examiner si le grain que nous payons 18 ou 19 francs n’est pas d’une espèce et d’une qualité infiniment supérieures à celui que nos grands-pères payaient 13 ou 14 francs. Je prendrai même exprès, pour rendre la comparaison plus frappante, le plus bas prix du blé que nous offre le siècle dernier, — 12 fr. 50 c, — et l’un des plus hauts, au contraire, de notre époque, — 20 fr. » En supposant donc le blé à 12 fr. 50 c. l’hectolitre au commencement du XVIIIe siècle, le salaire, de 0 fr. 37, représente moins de trois litres de blé. » En 1840, avec le blé à 20 fr. l’hectolitre, le salaire,