Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/44

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croît la valeur de ce dernier, plus s’accroît la proportion disponible pour la construction d’appareils qui assureront encore plus de pouvoir sur les services de la nature. Mieux vêtu, mieux logé, la dépense de forces physiques est moindre en même temps que la nourriture abonde au point de le mettre en état maintenant de réparer cette dépense et même de fournir à une dépense qui serait plus considérable.

Les besoins de l’homme et ses forces sont ainsi deux termes qui sont toujours en raison inverse l’un de l’autre, et marchent toujours dans des directions opposées. Les deux combinés donnent une quantité constante, — l’un représentant le pouvoir de la nature sur l’homme, et l’autre le pouvoir de l’homme pour soumettre et diriger les forces de la nature. Plus s’élèvera le moment (comme on dit en statique) acquis par l’un et moindre sera la résistance de l’autre ; d’où il suit que le mouvement de la société est toujours un mouvement à vitesse constamment croissante, — soit qu’elle progresse dans le sens de la civilisation comme c’est le cas pour le nord de l’Europe en général ; ou qu’elle marche dans la direction contraire comme c’est le cas pour la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Mieux logé, Crusoé travaille avec plus de continuité, son pouvoir d’accumuler s’en accroît. La pluie, l’extrême chaleur le forçaient naguère à se réfugier dans une grotte privée de jour ; désormais il peut, au logis, travailler sans interruption à l’heure du grand soleil et quand il pleut. Il continue dans cette voie et il se trouve que chaque addition à son capital n’a été qu’un instrument pour acquérir un capital nouveau et plus considérable ; en même temps que s’est abaissée la valeur de toutes les accumulations précédentes, et que s’est élevée la proportion de temps et d’intelligence à donner à la construction d’instruments qui permettront un nouveau développement de pouvoirs.

Dans le monde physique que voyons-nous ? Le pouvoir d’accumulation y est en raison directe de la vitesse de la circulation. Pour qu’il y ait mouvement, il faut la chaleur, et comme la chaleur la plus forte se trouve entre les tropiques, c’est aussi là que se rencontre la vie la plus luxuriante, végétale et animale, — à côté de la succession la plus rapide de composition et de décomposition, de production et de consommation, connue dans le monde matériel.