Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/47

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il a moins à se servir de la lance et de l’épée. Les sols plus riches produisant largement, il est moins dépendant de ses troupeaux. Les échanges sur place devenant plus nombreux, puisqu’il a appelé près de lui le tailleur et le cordonnier, il a moins besoin de chevaux. Le fileur, le tisserand, le mineur et le fondeur de minerais s’étant rapprochés de lui, il est moins dépendant des navires et du roulage. En devenant capables de commander les services de la nature, il est moins dépendant des chances et des variations du temps, et moins dans l’obligation de conserver de grandes masses de grains comme approvisionnement contre les mauvaises récoltes. Chacun de ces changements étant l’occasion d’une nouvelle demande adressée à ses facultés intellectuelles, celles-ci y répondent par une offre toujours croissante ; d’où résulte un accroissement de la force et de la promptitude dans l’application de cette force. La circulation devenant plus continue, la chaux et le granit sont tirés des carrières, on exploite les mines de houille et de métaux. La maison de pierre remplace la primitive cabane, le chemin de fer remplace la route à barrière qui avait remplacé le sentier du sauvage.

Tout progrès ayant désormais le caractère de la durée, la proportion de travail de la société requise pour ne pas la laisser périr va diminuant constamment, tandis que s’accroît la proportion de ce travail applicable à découvrir de plus en plus les trésors cachés de la terre. On extrait la houille, le fer, la chaux, la marne, le plomb, l’étain, le cuivre, de localités où leur existence n’avait point été jusqu’alors soupçonnée. On emploie le moellon et le granit à construire des bâtiments pour recevoir des machines qui font en une semaine ce qui dans les premiers âges eût demandé des siècles, — et ce sont elles qui extraient la houille et le minerai, et qui fabriquent le fer. Pour construire des fourneaux on utilise l’argile réfractaire, d’où il suit que le fer va diminuant de valeur et que s’accroît la valeur de l’homme. La terre aussi acquiert constamment de la valeur[1], — le rapport du capital fixe de la société

  1. La valeur étant la mesure du pouvoir de la nature sur l’homme, on peut demander comment la terre peut en acquérir. Dans sa condition originelle, elle est, ainsi que la houille et le minerai, sans valeur. Celle qu’elle obtient par degrés n’est qu’une conséquence de l’incorporation en elle du travail nécessaire pour vaincre la résistance que la nature oppose à l’occupation du champ et à sa culture. — À mesure que la richesse s’accroît, la terre diminue de valeur comparée avec le travail.