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constamment en même temps que se développe l’individualité et que se prépare un progrès ultérieur.

§ 6. — La circulation s’accélère d’autant que les emplois se diversifient et que la terre se divise.

Nulle part dans le nord de l’Europe les professions ne se sont diversifiées d’aussi bonne heure que dans les contrées du nord de la France et de la Belgique. Nulle part la culture n’a passé d’aussi bonne heure des sols pauvres aux sols riches ; nulle part il n’a existé une si grande tendance à la division de la terre, et par conséquent nulle part la circulation ne fut si rapide ou la force si grande.

Parmi les nations de l’Europe le Danemark, avec les duchés ses annexes, est celle dont l’histoire nous montre le mieux la division de la terre comme une conséquence de l’accroissement de richesse et de population. Le fermier et l’artisan y ont trouvé place à côté l’un de l’autre, et la terre affranchie de la taxe oppressive de transport y gagne promptement en valeur. La proportion du capital fixé s’y accroît constamment ainsi que la rapidité de la circulation sociétaire.

L’effet admirable de la division de la propriété se manifeste pleinement en Prusse par le résultat de l’abolition des baux à perpétuité et leur conversion en franches tenures moyennant indemnité au propriétaire, calculée sur le pied de vingt-cinq années d’intérêt pour le rachat. Les grands propriétaires étaient écrasés de dettes, leurs biens criblés d’hypothèques, ce qui formait obstacle à toute amélioration. Dans la seule Poméranie les charges s’élevaient à 24.000.000 de dollars. Les paysans tenanciers une fois libres, sur payement de la somme stipulée, les petits propriétaires jouirent d’un crédit qui avait été refusé aux grands. Tous les autres obstacles à la libre disposition de la terre par vente, donation ou testament ayant aussi disparu, le résultat a été qu’en Prusse la richesse et la population progressât d’une manière inconnue à presque toute l’Europe continentale[1].

    élevés au triple de ce qu’on avait prévu, bien qu’ils eussent déjà beaucoup gagné en valeur précédemment. La preuve la plus concluante qu’une civilisation progresse est l’accroissement de valeur de la terre et la division de la propriété.

  1. Le professeur Reichensperger dit que l’élévation du prix des petits domaines aurait ruiné leurs récents acquéreurs si l’accroissement de production n’avait suivi dans une proportion égale. Et comme tous les propriétaires ont graduellement prospéré de plus en plus, malgré le surcroît de prix qu’ils avaient payé pour l’achat, il en conclut judicieusement que cela semblerait montrer que ce n’est pas seulement