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du désespoir, contre les candidatures de MM. de Lamartine et Hugo, astres sinistres qu’on voyait poindre à l’horizon. Il fallut néanmoins céder au torrent, et le petit cénacle où il m’était tombé sur la tête des avalanches d’alexandrins finit par déserter la cause des trois unités, et même par se résigner, au commencement de 1830, à subir la candidature de l’auteur des Méditations et des Harmonies.

Le salon de M. Lacretelle a été à peu près le dernier cercle littéraire de Paris qui eût conservé la vraie tradition du siècle précédent. Sous le gouvernement de 1830, la politique domina trop les lettres et leur enleva trop d’illustrations pour que celles-ci ne lui demeurassent pas un peu subordonnées. Il en fut ainsi à peu près partout, en exceptant toutefois l’Abbaye-aux-Bois, qui fut moins un salon littéraire qu’un temple muet au seuil duquel les critiques déposaient leurs armes, à peu près comme les musulmans quittent leurs chaussures avant de pénétrer dans une mosquée.

À l’heure où s’agitaient, dans la sphère des lettres et des arts, tant de questions ardemment débattues, des intérêts d’un ordre encore plus élevé sollicitaient l’attention publique. Le côté droit avait pris possession du pouvoir et ses chefs étaient tous au ministère. Enivré par le succès de la guerre entreprise, en 1823, pour la restauration de la monarchie espagnole, le parti royaliste croyait avoir puisé dans cette entreprise assez de force pour tenter l’application successive de ses théories, et pour commencer, par voie législative,