Page:Carnoy - Littérature orale de la Picardie.djvu/63

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Le diable, se croyant bien fin, demanda pour sa part de la première année tout ce qui pousserait hors du sol, donnant le reste au saint homme. Saint Crépin fit mine de consentir niaisement à cette singulière demande, et il se promit bien de jouer quelques bons tours au diable.

Saint Crépin alla à la ville, en rapporta pour deux sous de graine de navets et ensemença le champ commun. Bientôt les navets couvrirent le sol de leurs larges feuilles vertes, et grossirent dans la terre jusqu’à se toucher.

Le diable vint trouver le saint et réclamer sa part de la récolte. Crépin le conduisit au champ et se mit en devoir d’arracher les navets. Le diable l’aida dans ce travail, et, à la fin, voyant le saint faire un tas à part des feuilles coupées, il demanda à son associé ce qu’il comptait faire de ces feuilles.

— « Mais, c’est ta part, il me semble ! N’as-tu pas demandé tout ce qui sortirait du sol ? Les feuilles t’appartiennent et les navets sont à moi.

— Oh ! cette année, pensa le diable, il ne m’y reprendra plus ; je demanderai tout ce qui viendra dans le sol. »

Et il fit comme il venait de penser.

Saint Crépin retourna à la ville, en rapporta