Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à Dieu le soin de continuer le miracle. » À merveille ; mais enfin, si Dieu ne continue pas le miracle ? Si l’enthousiasme qui a entraîné cet homme et cette femme à se donner l’un à l’autre par le pacte toujours révocable de l’amour ; si cette ferveur qui les fait s’écrier à la première heure de l’amour : « Non pas seulement dans cette vie, mais dans l’éternité » ; si la passion, enfin, se refroidit et disparaît, le mariage idéal cessera-t-il par là même ? L’enthousiasme est une base bien fragile pour supporter la famille. Le roman de Jacques nous montre une femme qui s’est mariée dans la plénitude de sa liberté, qui a connu et pratiqué cette ferveur exigée dans le mariage idéal et qui disait, elle aussi : « Pour l’éternité ». Et pourtant, après quelques années, que deviennent Fernande et la famille qu’elle a fondée ? Mme Sand élude la difficulté ; elle envoie aux enfants une maladie, qui les enlève, elle conseille à Jacques d’aller se tuer dans quelque gouffre ignoré, pour laisser sa femme libre d’aimer ailleurs. Fort bien, mais la réalité ne se laisse pas gouverner comme le roman. Et si les enfants s’obstinent à vivre ? Et si Jacques ne veut pas mourir ? Il serait trop cruel, en vérité, de recommander l’exemple de Jacques à tous les maris que leurs femmes cessent d’aimer. Quelle hécatombe !

George Sand avait-elle été coupable, dès ses premiers romans, de pareilles intentions ? Elle s’en était défendue dans une réponse bien curieuse, courtoise mais vive, à M. Nisard, qui a dû être écrite vers 1836 et qui a été annexée, sous forme de post-scriptum,