Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/112

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de la misère l’effort croissant de la sympathie et du dévouement. Ne nous inquiétons pas trop de savoir si le progrès est indéfini et continu. Nous savons, en tout cas, qu’il n’est pas fatal et qu’il dépend de nous. Travailler au progrès partiel, sur un atome de l’étendue, sur un point du temps, c’est peut-être tout ce que nous pouvons faire, faisons-le. Occupons-nous moins d’aimer l’humanité de l’avenir que les hommes qui sont près de nous, à la portée de notre main et de notre cœur. Tout cela n’est pas chose nouvelle, c’est le socialisme de la charité, et c’est le bon.

Qui de nous ou de Mme Sand se trouve le plus rapproché de M. de Lamennais, la seule intelligence vraiment philosophique qu’elle ait connue ? Avait-elle lu ces admirables lignes dans les œuvres posthumes : « On ne saurait tromper plus dangereusement les hommes qu’en leur montrant le bonheur comme le but de la vie terrestre. Le bonheur n’est point de la terre, et se figurer qu’on l’y trouvera est le plus sûr moyen de perdre la jouissance des biens que Dieu y a mis à notre portée. Nous avons à remplir une fonction grande et sainte, mais qui nous oblige à un rude et perpétuel combat. On nourrit le peuple d’envie et de haine, c’est-à-dire de souffrances, en opposant la prétendue félicité des riches à ses angoisses et à sa misère. » Et, avec un admirable geste d’âme, l’illustre penseur s’écrie : « Je les ai vus de près, ces riches si heureux ! Leurs plaisirs sans saveur aboutissent à un irrémédiable ennui qui