Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/113

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m’a donné l’idée des tortures infernales. Sans doute, il y a des riches qui échappent plus ou moins à cette destinée, mais par des moyens qui ne sont pas de ceux que la richesse procure. La paix du cœur est le fond du bonheur véritable, et cette paix est le fruit du devoir parfaitement accompli, de la modération des désirs, des saintes espérances, des pures affections. Rien d’élevé, rien de beau, rien de bon ne se fait sur la terre qu’au prix de la souffrance et de l’abnégation de soi, et le sacrifice seul est fécond. » Pour cette simple page d’un vrai penseur qui tempère par des traits d’une raison si forte ses indignations et ses colères, je donnerais de grand cœur tous les discours de Pierre Leroux et surtout la fameuse conversation du pont des Saints-Pères, un soir que les Tuileries ruisselaient de l’éclat d’une fête, où M. Michel (de Bourges) tenta d’initier à des doctrines farouches l’intelligence vraiment naïve de Mme Sand, où elle eut l’étonnement et presque le scandale de cette éloquence furibonde, débridée à cette heure jusqu’à une sorte de férocité apocalyptique. La naïveté dans le génie, peut-on la nier, puisque, malgré l’horreur avouée de cette conversation, tout entière en sanglants dithyrambes, Mme Sand continua quelque temps encore à croire à l’esprit politique de son prolixe et bruyant ami ?

Pour moi, je ne pardonnerai jamais à cet ami et à beaucoup d’autres d’avoir exalté dans le faux cette sensibilité d’artiste, si facile à recevoir les impressions fortes, et jeté cette vive imagination dans les