Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/118

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réalité, où sont plongés tous les personnages, pour lui confier parfois une réalité choquante, c’est là la part et c’est aussi l’œuvre de l’artiste, la responsabilité de l’artiste. Quant à l’idée philosophique qui préside au livre, elle ressort de chaque page ; c’est l’idée conçue sous le coup d’un abattement profond devant l’énigme de la vie, qui jamais n’avait pesé plus lourdement et plus cruellement sur elle. Elle s’étonna des fureurs qui accueillirent ce livre, ne comprenant pas que l’on haïsse un auteur à travers son œuvre. C’était un livre de bonne foi, c’est-à-dire de doute sincère, d’un doute qui remue à de grandes profondeurs les idées et les âmes. Ceux qui ne comprirent pas ou qui n’entendirent pas ce cri de conscience, cette plainte entrecoupée, mêlée de fièvre et de sanglots, se scandalisèrent.

Ce qui dura toute sa vie, ce qui la consola infailliblement et toujours dans ses heures de détresse, ce fut l’amour de la nature, un des rares amours qui ne trompent pas. Cet amour fut le plus sûr de son inspiration et la moitié au moins de son génie. Personne, comme elle, avec des mots, de simples mots choisis et combinés entre eux, de ces mots qui servent à chacun de nous et qui expriment les sensations communes avec une désespérante froideur, personne n’a réussi à traduire, dans la réalité vivante d’un paysage, ces lumières et ces ombres, ces harmonies et ces contrastes, cette magie des sons, ces symphonies de la couleur, ces profondeurs et ces lointains des bois, cet infini mouvant de la