Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/146

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La composition languit, tout simplement parce qu’il n’y a pas eu de plan préparé, et que la composition n’est pas portée jusqu’au bout par l’ardeur de la pensée ou de la passion. Les dénouements n’égalent jamais les préludes de l’œuvre. On la voyait vivement préoccupée d’une idée de roman, possédée par son sujet, à tel point que tous ceux qu’elle avait traités auparavant semblaient ne plus exister pour elle, et, quelque temps après, elle avait hâte de dire adieu à ses personnages les plus chers d’un jour. Elle avait usé et comme consumé par le feu de son imagination les plus beaux enfants de son rêve ; elle les replongeait dans le passé, en un tour de main, je pourrais dire dans le néant. N’était-ce pas un néant relatif que cet oubli qui succédait si vite en elle à la présence réelle de tous ces personnages, dont le nom même sortait parfois de sa mémoire ? La fournaise ardente s’était refroidie ; pour se rallumer, elle attendait d’autres types, d’autres moules d’où allait sortir un monde nouveau.

Quand le chimérique s’introduit ainsi dans ses œuvres, forçant les événements et les caractères, c’est une preuve que chez elle l’inspiration s’épuise, que la fatigue se trahit et que l’auteur ressent une certaine hâte d’en finir avec le sujet dont elle a déjà exprimé la substance et la fleur. Mais il faut bien se garder de confondre ce romanesque médiocre, qui exprime une lassitude dans son talent, avec un autre genre de romanesque, qui produit chez elle des œuvres exquises et qui est un jeu enchanté de son imagination. Pour bien marquer cette