Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/151

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Léonce, et disparaît. — Ce souverain improvisé de quelques heures, pendant cette journée unique, est l’enfant gâté de George Sand. C’est bien l’artiste aventurier qu’elle a toujours aimé, un de ces bohèmes de génie, déguenillés mais délicats, nobles et superbes, qui doivent leurs riches facultés à la nature, et qui les ont conservées avec soin, grâce à une indépendance, à une paresse, à un désintéressement qui les rend pauvres, mais les garde purs. Elle l’a vu agir devant ses yeux, cette fois ; elle l’a vu marcher, ce héros longtemps imaginé, elle l’a vu dominer le petit monde où elle l’a introduit. Elle en a été heureuse, comme du succès d’un fils chéri de son imagination. On peut sourire de ce facile bonheur qu’elle s’est donné à elle-même. Mais les traits de la vie réelle se mêlent si bien ici à la fable, il y a de si charmants épisodes dans cette journée disposée par la plus aimable et la plus ingénieuse des providences, il y a des conversations si élégantes et si délicates, qu’il faut bien en passer par la fantaisie de l’auteur, et vraiment on aurait mauvaise grâce à résister au charme qui vous pénètre et vous entraîne.

Le roman, ainsi conçu, est tout simplement de la poésie. Soit. Est-ce donc là quelque chose de si malheureux, et George Sand perdra-t-elle quelque chose à une accusation de ce genre ? Il faut bien que le roman se rapproche de la poésie ou de la science. Le roman scientifique est en grand honneur de nos jours : la science des mœurs, des institutions, des