Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/173

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pourquoi ne pas le dire ? c’était vrai aussi, pendant les premiers instants. Quand je la vis, ses cinquante-sept ans avaient marqué leur empreinte sur toute sa personne et en avaient amorti l’effet, éteignant cette grâce jeune et passionnée d’autrefois, cet éclat de physionomie qui, à travers la lourdeur de certains traits, avait été sa principale beauté. La taille s’était épaissie ; les yeux restaient beaux, mais comme noyés dans un certain vague ou une certaine indolence, qui s’étaient augmentés avec l’âge ; il y avait en tout cela un peu d’inertie et comme une sorte de fatigue intellectuelle ; elle semblait se refuser d’abord à de nouvelles connaissances ou au commerce de nouvelles idées qui n’entraient pas d’emblée dans les siennes, ou du moins ne s’y prêter qu’avec peine.

Hospitalière, mais gravement et silencieusement, si l’on s’en était tenu à cette première impression, on aurait pu la juger assez sévèrement ; il ne fallait pas s’y tenir, et, selon son expression, elle et son pays avaient du bon quand on les connaissait. On croira peut-être que cette froideur de premier aspect était un fait accidentel, personnel au visiteur inattendu de 1861. Il serait naturel de le croire ; ce ne serait pourtant pas exact. On nous a raconté une bien jolie histoire sur l’impression que ressentit, à son arrivée, l’un de ses visiteurs les plus attendus, les plus souhaités, Théophile Gautier ; il avait fait pour elle le grand sacrifice de quitter son boulevard, et il arrivait avec la conviction des Parisiens