Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/174

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qui s’imaginent être des héros pour aller voir un ami dans sa province ; il débarquait à Nohant avec l’idée de son héroïsme et dans l’attente de le voir récompensé par la joie de George Sand, mesurant d’avance l’effusion de l’accueil à la vivacité, presque à la violence de l’invitation. Cependant George Sand restait calme, plus que calme, silencieuse, avec cet air indolent et lassé qui m’avait frappé en elle. Elle le quitte un instant pour donner des ordres. Lui, étonné, de plus en plus mécontent, se plaint à son compagnon de voyage, un habitué de la maison, d’un pareil accueil ; son mécontentement, comme il arrive, s’exalte en s’exprimant ; il veut partir, il rassemble sa canne, son chapeau, sa valise. Le témoin de cette grande colère va en toute hâte prévenir George Sand pour qu’elle en conjure l’effet. Elle ne comprend rien d’abord à ce qu’on lui raconte. Quand elle a compris, elle frémit d’un pareil accident ; une telle déception la bouleverse, elle se désespère. « Vous ne lui aviez donc pas dit, s’écrie-t-elle ingénument, que j’étais une bête ? » On l’entraîne vers Théophile Gautier ; les explications commencent ; elles ne furent pas longues ; il comprit bientôt, à l’accent de la désolation, combien il se trompait, et sa rentrée fut triomphale.

La conversation de George Sand était à l’avenant. Elle n’avait jamais été bavarde, elle l’était moins encore en vieillissant, hormis les jeux de famille et les contes aux enfants. De l’esprit, elle n’en avait pas, ni au sens parisien du mot, ni au