Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/52

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fatales, les tentations plus fortes que la volonté, la famille déshonorée, une noble maison brisée, un foyer anéanti.--Jacques, c’est son idéal de l’amour dans l’homme (comme Indiana est son idéal de l’amour dans la femme) ; c’est un stoïcien devenu amoureux avec la profondeur et l’élévation qu’un stoïcien peut mettre dans ces sortes de choses, avec un courage triste jusqu’à la mort dès qu’il pressent une faiblesse ou une trahison, un dévoué qui abdique sans éclat tous ses droits et se résigne au suicide pour épargner à Fernande, adorée jusque dans sa faute, l’humiliation de ses joies coupables et la honte de son bonheur adultère.--L’amour dans une nature gracieuse et faible qu’il exalte et qu’il brise, l’amour encore, mais dans une nature sauvage qu’il dompte et qu’il élève à la plus haute éducation de l’intelligence et du cœur, ce sont deux rêves sur les effets divers de la grande passion, c’est André, c’est Mauprat.--Lélia ! Qui ne se rappelle toujours, après l’avoir lu une fois, ce poème étrange, incohérent, magnifique et absurde, où le spiritualisme tombe si bas, où la sensualité aspire si haut, où le désespoir déclame en si beau style, où l’esprit, ravi, étonné, scandalisé, passe brusquement d’une scène de débauche à une prière sublime, où l’inspiration la plus fantasque s’élance de l’abîme au ciel pour retomber au plus profond de l’abîme ? C’est le doute qui blasphème, qui maudit, qui s’attendrit jusqu’à l’extase ; c’est l’amour qui s’injurie lui-même sans pitié et qui analyse ses misères avec une sorte de