Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/84

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de doctrine chez Mme Sand : c’est une imagination puissante qui s’épanche en liberté, ce n’est pas une théorie qui se développe. D’ailleurs la passion est bien plus forte et bien plus vivante chez elle que l’idée, et, quand c’est un principe, vrai ou faux, qui l’inspire, il a fallu d’abord que ce principe cessât d’être une abstraction et devînt un sentiment. On dit que Mme Sand a eu plusieurs maîtres de philosophie. Je veux bien le croire, puisqu’elle-même nous le laisse supposer. Mais son premier maître de philosophie a été son cœur, un maître plein d’illusions et de chimères, et ce n’est que par l’intermédiaire de celui-ci que les autres ont pu agir et se faire écouter.

Il n’y a donc pas lieu de chercher bien rigoureusement la doctrine de Mme Sand, mais seulement d’analyser ses idées à travers ses sentiments.

Trois sources d’inspiration semblent intarissables chez Mme Sand : l’amour, la passion de l’humanité, le sentiment de la nature. Plusieurs autres peuvent être distinguées à côté de celles-là, mais elles s’absorbent insensiblement et finissent par disparaître.

Il semble, à l’en croire, que l’amour est l’unique affaire de la vie, que la vie elle-même, c’est-à-dire l’action, sous ses formes les plus variées, n’ait pas d’autre objet ni d’autre emploi. Avant d’avoir aimé, on ne vivait pas ; quand on n’aime plus ou qu’on n’est plus aimé, à peine a-t-on le droit de vivre encore. Cela seul, aimer, être aimé donne du prix à l’existence. Je vois bien apparaître un autre mobile,