Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/97

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existences sociales, pourra-t-elle, de cette région où elle vit, distinguer dans la foule humaine ce noble déclassé qu’elle doit remettre à son vrai niveau ? Et si par un hasard miraculeux elle le découvre, les circonstances se feront-elles assez les complices de son désir pour rapprocher ces deux cœurs entre lesquels le monde met des intervalles plus infranchissables que l’Océan avec ses abîmes, que le désert avec ses immensités ? Je suppose ces obstacles vaincus et les deux âmes mises en contact l’une avec l’autre par une destinée propice, tout sera-t-il dit pour cela, et ne verra-t-on pas s’élever tout à coup, par le seul effet d’une connaissance plus longue, des obstacles imprévus et cette fois invincibles ? L’amour survivra-t-il à cette délicate épreuve de l’intimité familière ? Songez que, de ces deux âmes, l’une apporte cette indélébile habitude de manières, de langage et de ton, qui est devenue pour elle une seconde nature plus nécessaire que la première. Songez que l’autre vient d’ailleurs et que toute la distinction du cœur ne rachète pas ces inexpériences de la vie sociale, ces ignorances qui ne sont sublimes que dans les livres. Il faut au moins que la culture intellectuelle et des instincts particulièrement délicats viennent combler ces abîmes où l’amour, cruellement désappointé, risquerait fort de s’engloutir. Sans doute, l’amour ne consulte pas les règles de la hiérarchie sociale ; mais il sera difficile d’admettre que ces règles soient absolument interverties. Et, pour préciser ma pensée, j’accorde à Mme Sand qu’Edmée puisse aimer Mauprat :