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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

sée par le canon d’alarme qui avait signalé son évasion fût passée ; et pendant tout ce temps, le même compagnon d’infortune ne manqua pas de lui apporter un peu de nourriture. Le fugitif sortit enfin de cet horrible réduit, et j’éprouvai un certain soulagement en le sachant sauvé. Car, me disais-je, l’homme qui peut faire naître le dévouement au quel celui-ci doit la vie n’est pas mauvais sans rémission : Dieu réveillera sa conscience endormie et fera miséricorde à son repentir. Ô sainte liberté ! de quel prix es-tu donc pour celui qui t’a perdue, puisqu’on t’achète par de tels supplices !

Pendant que je philosophais ainsi, un âcre rayon du soleil m’aspira ; je fus repoussée vers l’intérieur des terres et ne pus arriver à l’Océan.

Après avoir erré, sans direction arrêtée, examinant chacune des choses qui étaient si nouvelles pour moi, je me trouvai fort près de terre par une belle nuit pleine de rayonnement, et je fus déposée en perle liquide à l’extrémité d’un brin d’herbe qui se mirait dans une fontaine charmante, où je tombai bientôt. Je restai plusieurs jours dans cette délicieuse retraite encadrée de rives fleuries, et j’oubliai bien vite les misères de cette rude vie, à laquelle j’étais condamnée. Un matin, une jeune fille tout en pleurs vint emplir un vase avec l’eau limpide de la fontaine, et je fus du nombre des mille gouttes qu’elle recueillit. Elle nous emporta dans